Furtive : (latin furtivus, dérobé, de fur, furis, voleur)
1. Qui se fait rapidement, à la dérobée, de manière à échapper à l’attention. Synonymes : discrète, fugitive, secrète
2. littéraire : qui passe rapidement, presque inaperçue, « une apparition furtive »
Dictionnaire Larousse
Que déduire de ces définitions ?
Le photographe serait un voleur d’images ? Après tout, selon l’expression consacrée, on « prend » une photo. Prédation ? Pourtant l’arbre reste à sa place, il ne lui manque pas une feuille, prédation peut-être, mais sans déprédation…
Et la furtivité dans tout cela ?
– Dans un ordre croissant de longévité, le givre, la neige, les feuilles, les arbres, les roches… bref, ce que j’aime photographier n’est certes pas éternel, mais rien de tout cela n’est réellement furtif.
– Le photographe quant à lui est toujours là ! Un peu voleur peut-être, un peu fuyant, mais bien présent à ses sujets.
– Rien de moins furtif qu’une photographie imprimée (les seules qui vaillent) : Les grands fabricants de papiers sont obsédés par la longévité des supports, PH contrôlé, réserve alcaline… On trouve des papiers dont la conservation est certifiée jusqu’à 200 ans. Les encres pigmentaires permettent d’exposer des photos en pleine lumière pendant des années sans que l’on constate le moindre éclaircissement ou la moindre dérive colorimétrique. Ce n’est donc pas de ce côté non plus qu’il faut chercher.
Rien de tout cela donc, ni le sujet, ni le photographe, ni la photo… En fait, ce qui est fugitif, c’est ce qui se passe entre le sujet et le photographe, et qu’on retrouve si tout s’est bien passé, dans la photo. Je me souviens d’une sortie autour de chez moi, après une légère chute de neige. Je me retrouve sur un chemin connu, face à deux arbres, deux frênes aperçus des centaines de fois, mais aujourd’hui, ce n’est pas comme d’habitude, je les vois. J’ai le temps, je choisis la focale, la distance, la profondeur de champ, je cadre, c’est à dire que j’inclus et j’exclus les éléments de la réalité qui se présentent à moi bref, je fais mon « métier de photographe ». Je perçois ce léger tremblement, cette impression de voir, de tenir quelque chose. Une heure plus tard, au retour, je repasse au même endroit, je ressors mon appareil (toujours cette obsession de doubler les prises), dans le viseur, je ne vois plus rien d’intéressant, incapable de retrouver le bon cadrage, en fait, je ne ressens plus rien, la magie s’est évanouie. La première prise de vue, beaucoup plus intuitive, était la bonne ! C’est cela qui est furtif, cette vision, qu’on a eu de la beauté d’un sujet, soumis à une certaine qualité de lumière, et qui ne peut se reproduire…
Chaque photo en ce sens est « un moment proustien » elle contient toutes les traces d’une sensibilité (terme photographique s’il en est !) à l’œuvre à un instant précis.
C’est justement cette sensibilité, cette émotion ressentie, présente, mais insaisissable, qui de fait se cache dans les photographies, que j’aimerais partager à travers ces quelques images.